Interview de Benoit et Frédéric Lavau

NOVEMBRE 2023


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Après des années d’expansion au cours desquelles les investissements et les acquisitions de vignobles se sont succédé, c’est  le retour à la case départ pour Frédéric et Benoît Lavau qui redeviennent vinificateurs à 100 %

Le lien qui unit la famille Lavau à la vigne est très ancien. Il faut en effet remonter à la fin du XIXème siècle pour en comprendre les origines en suivant les tribulations de l’arrière grand-père, René Lavau, originaire de Saint-Emilion, qui s’embarque pour la Tunisie où il fait l’acquisition d’une petite propriété plantée de vignes et d’orangers. Jean, l’ainé de ses trois fils, va faire de l’entreprise familiale un des plus importants producteurs de vin du pays avec plus de mille hectares de vignoble. Qu’il va falloir abandonner quand en 1962 la Tunisie gagne son indépendance.

Les frères Frédéric et Benoît voient donc le jour à Sablet dans le Vaucluse où leurs parents, Jean-Guy et Anne-Marie, se sont installés en 1965. Ils y ont fait l’acquisition d’une petite cave et exercent l’activité de négociant – du vrac uniquement - et font un peu de vinification pour le compte de quelques vignerons des environs.

Frédéric rejoint l’entreprise en 1994 ; Benoît suivra quelques années plus tard... « Nous n’étions pas  du tout prédestinés à prendre la suite et ça ne nous avait d’ailleurs jamais traversé l’esprit. Pour ma part, j’étais depuis trois ans au Canada puis à Los Angeles où je suivais des études commerciales et je voulais bosser là-bas » confie Frédéric. Mais le père avait besoin d’aide car il venait de reprendre les installations d’un vinificateur d’Entrechaux, Michel Mouret, parti à la retraite, qui faisait de la vinification et de la commercialisation en vrac. Du pain béni pour la Maison Lavau qui s’agrandit et où la passation de pouvoirs aura lieu en 2000 quand le père prend sa retraite et laisse les deux frères seuls aux commandes.

EN AVANT TOUTE !

« Quand nous avons commencé à travailler avec mon frère, poursuit Frédéric Lavau, nous nous sommes rendus compte relativement rapidement que tout le monde essayait de couper les intermédiaires. Ce qui nous concernait directement puisque, en tant que négociant-vraqueur, nous faisions le lien entre le vigneron, qui possédait les vignes et éventuellement faisait le vin, et l’embouteilleur ».

Ils décident alors de miser sur leur deuxième métier, celui de vinificateur.  D’où la construction d’une nouvelle cave à Violes qui devient le siège de l’entreprise et où ils vinifient pour la première fois en 2002 dans des chais modernes et performants. Ils créent dans la foulée la marque Lavau et rachètent en 2009 le 2e vinificateur du Vaucluse à Valréas. Au passage, ils deviennent aussi embouteilleurs.

Toujours pour renforcer leur activité de vinification, ils mettent en place un nouveau contrat d’achat de raisin avec leurs partenaires vignerons (en proposant un paiement anticipé avant la récolte) dont le nombre culminera à plus de 360, dans la vallée du Rhône et le Languedoc-Roussillon. « Toutes les années, nous organisions avec eux le déjeuner des vendanges, l’occasion de se rencontrer dans un moment plus convivial ». Un moyen de fidéliser ces vignerons apporteurs en étant attentifs à leurs besoins.

C’est à cette époque aussi que les frères Lavau commencent à faire l’acquisition de leurs premières vignes : le domaine la Décelle à Valréas et le domaine de Carmignan à Bagnols-sur-Cèze… Les voilà donc producteurs !

En 2013, c’est la rencontre avec ceux qui deviendront leurs nouveaux associés, Bénédicte et Charles Bonnet, propriétaires du Château Maucoil à Châteauneuf-du-Pape. Qui donne naissance au groupe Lavau Maucoil détenu à 65% par la famille Lavau et 35% par la famille Bonnet.

L’année suivante, la maison Lavau devient propriétaire du domaine Les Évigneaux à Rasteau et se retrouve in fine à la tête d’un vignoble de 190 ha en Côtes-du-Rhône, Côtes-du-Rhône Villages et Châteauneuf-du-Pape.  Fin 2017, elle exerce quatre métiers dans le vin : vigneron, vinificateur, négociant vraqueur et négociant embouteilleur.

REDUIRE LA VOILURE

Six ans plus tard, les choses ont complètement changé comme le détaille Frédéric : « Au 31 décembre 2022, Lavau est redevenu vinificateur à 100 %. Nous avons vendu le château Maucoil (une opportunité auprès d’un promoteur) et dans le même temps Mme Bonnet a demandé à ce qu’on la libère ». Elle a ainsi récupéré l’intégralité des domaines que la société possédait.

Frédéric et Benoît Lavau sont aujourd’hui les seuls actionnaires et dirigeants de la société Lavau. Qui est donc revenue à son point de départ, ce qui, pour les deux frères, fait simplement partie des évolutions de la vie d’une entreprise : « Nous étions devenus vignerons par un jeu d’opportunités ; nous avons pris du plaisir pendant 13 ans à exploiter toutes les vignes et tous les terroirs que nous avions découverts et qui nous plaisaient. Aujourd’hui, mis à part la volumétrie, nous avons retrouvé avec mon frère la société telle qu’elle était en 2009. Et même en 2000 quand nos parents étaient encore avec nous ».

Pas  d’inquiétude de ce côté-la donc, acheter des raisins pour les vinifier étant l’ADN de la Maison Lavau. Ce qui inquiète plus le dirigeant de la société,  c’est la crise que traversent toutes les régions viticoles et ses graves conséquences. « Notre souci aujourd’hui, c’est la baisse de consommation. Un effet boule de neige post covid qui concerne toutes les catégories de vin ». Un phénomène mondial amplifié par tous les événements anxiogènes – climatiques et géopolitiques - que connaît la planète actuellement… Ce qui a incité les dirigeants de la Maison Lavau à mettre en place pour la campagne d’achat de raisin 2023 une mesure simple : réduire la voilure en termes de volumétrie, l’objectif étant 90 000 hl contre 110 000 habituellement. Un projet rendu possible grâce à la baisse des rendements imposée par les syndicats : 51 hl/ha contre 41 aujourd’hui dans les Côtes-du-Rhône par exemple.

« Nous pensons que ça n’aura pas d’effet négatif sur notre entreprise. En misant sur l’aspect qualitatif parce que le marché change et que la concurrence est encore plus importante, nous pouvons répondre de manière plus précise aux demandes de nos clients ». Des grossistes français et européens avec lesquels Lavau  travaille sur le marché de vrac.

« Nous avons commencé les dégustations de nos vins et nous sommes contents du niveau qualitatif du millésime 2023 que nous présentons à nos clients. Notre travail de vinification et d’assemblage fera la différence. Nous y croyons et nous sommes malgré tout dans une dynamique positive ».

Jean Calabrese

www.lavau.fr