Interview de Jean-Philippe Perrin - La Maison Bouachon

JUIN 2016


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La maison Bouachon reprend du galon

Tombée en 2001 dans l’escarcelle du groupe Skalli, l’ancestrale maison Bouachon de Châteauneuf-du-Pape, qui s’était progressivement effacée au profit de ce nouvel actionnaire, reprend aujourd’hui des couleurs sous le contrôle cette fois du Bourguignon Boisset qui veut lui redonner son lustre d’antan...

 À l’origine, Bouachon était le tonnelier historique du village de Châteauneuf-du-Pape et pour de nombreux domaines de la vallée du Rhône.  En 1898, cette famille décide de changer de registre et passe du métier de tonnelier à celui de négociant éleveur. Une mutation tout en douceur facilitée par les liens tissés au cours des années avec les vignerons de l’appellation, liens qui perdurent aujourd’hui. La Maison Bouachon va ainsi pendant plus d’un siècle soigneusement sélectionner des parcelles sur Châteauneuf-du-Pape et proposer de belles cuvées, faisant au passage l’acquisition dans les années 1950 de chais qui lui permettent de développer la maîtrise de la vinification et de se spécialiser dans l’assemblage et l’élevage des vins.

L’année 2001 marque un tournant dans cette paisible saga lorsque la Maison Bouachon rejoint l’entreprise de la famille Skalli. « La volonté de Robert Skalli, le pionnier français des vins de cépage installé à Sète, c’était d’intégrer une gamme portant son nom dans la vallée du Rhône, notamment à travers l’appellation Châteauneuf-du-Pape », souligne Jean-Philippe Perrin, l’actuel responsable de la maison Bouachon qui est passée entretemps (le 23 novembre 2011) dans le giron de Boisset la Famille des Grands vins, avec la quasi-totalité des actifs des vins Skalli en France (Vallée du Rhône et Languedoc). « Mais contrairement à Robert Skalli qui souhaitait mettre en avant sa propre marque, nous nous sommes rendu compte, en interrogeant nos clients, qu’ils avaient des regrets de voir disparaitre la Maison Bouachon. Car c’était une marque qui avait un vrai sens et une forte reconnaissance auprès des consommateurs ».

Voici donc la maison Bouachon prête à reprendre du galon… Et c’est ainsi qu’en 2013 ont commencé les livraisons des premiers vins vendus à nouveau sous cette marque. «  Aujourd’hui, Skalli existe toujours au sein du groupe Boisset. Mais on ne parle plus des vins Skalli : dans le Languedoc, on parle de Fortant car c’est la marque historique des vins de pays d’Oc, basée à Sète ; et en ce qui concerne le pôle Rhône, c’est la Maison Bouachon que je dirige ».

Ici donc, en vallée du Rhône, aucun vin de cépages, aucune IGP. Exclusivement des AOC, dans le sud du couloir rhodanien où est née la Maison Bouachon et dans la partie septentrionale  aussi où elle peut afficher un long historique, en particulier en Saint-Joseph et Crozes Hermitage.

Les signes de cette dynamique nouvelle, on peut les trouver aussi dans la rénovation complète du chai du Petit Bois à Sorgues avec sa  cuverie de 33 000 hl, incluant de l’élevage en bois, et la prochaine remise en place des chais d’élevage historiques dans le berceau même de l’entreprise à Châteauneuf-du-Pape, aux caves Saint-Pierre devenu le Pavillon des vins.

« Notre objectif aujourd’hui, c’est de continuer le développement de notre offre œnotouristique ici à Châteauneuf-du-Pape. La méthodologie de vente pour la plupart des négociants, c’est de passer par des distributeurs, ce que l’on continue à faire. Mais pour être connu et reconnu, le meilleur moyen, c’est de s’adresser directement au consommateur. Et nous ici, au Pavillon des vins, nous recevons chaque année plus de 10 000 visiteurs du monde entier. Ça fonctionne extrêmement bien ».

C’est pourquoi le lieu tout entier va être relooké, extérieur et intérieur, pour le rendre plus attrayant. Et c’est Frédéric Didier, architecte en chef des monuments historiques du château de Versailles, qui a déjà réhabilité la chartreuse de Bonpas à Caumont, autre propriété de la famille Boisset, qui va diriger les opérations.

« Aujourd’hui, dans la vallée du Rhône, il y a des domaines un peu partout dans le vignoble et quelques caves coopératives qui proposent des activités mais tout est clairsemé. L’idée, ajoute Jean-Philippe Perrin, c’est de plonger les visiteurs dans l’univers de Châteauneuf-du-Pape qui doit devenir un véritable pôle œnotouristique. Plus nous serons nombreux à développer cette activité-là, plus nous ferons du bruit, plus nous attirerons du monde. Châteauneuf-du-Pape pourrait devenir ainsi un petit Saint-Emilion ! »

En attendant, la Maison Bouachon continue à faire ce qu’elle a toujours su faire : des vins qui savent exprimer la tradition, l’élégance ou bien encore la modernité. Des vins d’assemblages qui font, comme il se doit, la part belle au grenache mais à aussi à d’autres cépages rhodaniens de manière à tenir compte à la fois du terroir et de la maturité des raisins. La vinification a lieu entièrement à la propriété, c’est-à-dire dans les caves des partenaires, au plus près des parcelles. Quant à l’élevage, s’il se fait en cuves en acier émaillé et inox pour la fraîcheur, c’est bien dans les fûts de chêne ou les demi-muids que l’on on retrouve le savoir-faire historique de la Maison Bouachon avec une durée d’élevage qui varie selon les vins et les millésimes mais qui se situe toujours entre 8 et 16 mois…

Jean Calabrese