Interview de Chéli Alberca et Jérôme Busato - Cohola

AVRIL 2021


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Pour Cheli et Jérôme Busato, installés à Sablet depuis 2013, faire du vin et le vendre ne se résume pas à une activité professionnelle mais comporte aussi des valeurs écologiques et humanistes. Qu’ils ont illustrées par une formule biblique « Bonum vinum Cor Hominis Laetificat »… « Le bon vin réjouit le cœur de l’homme »

Chéli Alberca et Jérôme Busato se sont rencontrés en Andalousie sur les bancs de la fac où ils poursuivaient leurs études dans le cadre du fameux programme Erasmus. Couple à la ville et au travail (elle a rejoint son mari en France en 1997), ils ont suivi des trajectoires diverses (école de commerce spécialisée finances pour elle, ingénieur agro et œnologie pour lui) pour finalement se retrouver sur un projet professionnel commun : la création d’une maison de négoce de vins complétée par la suite par l’acquisition d’un domaine.

Si Chéli avait déjà le goût du vin depuis son enfance en Andalousie (son père achetait chaque année du vrac qu’il élevait dans sa petite cave où étaient disposées 7 barriques, une par enfant qui en avait la charge !), le déclic pour Jérôme s’est produit lors d’un stage de formation dans un domaine du Bordelais. Plus précisément au Château Haut-Marbuzet à Saint-Estèphe où il va rencontrer Henri Duboscq, personnalité du monde vinicole qui va lui transmettre sa passion du vin. Ce qui aura pour conséquence directe de l’orienter vers des études viti-œno. Le voilà donc lancé dans la viticulture, entrainant dans son sillage son épouse. Suit un périple au début des années 2000 qui passe entre autres par la Bourgogne pour la maison Picard et par la Vallée du Rhône, lui toujours pour la maison Picard aux Grandes Serres à Châteauneuf-du-Pape, elle chez la famille Perrin.

Et puis, en 2002, ils décident de créer leur  propre société de négoce. C’est la naissance de Maison Rouge, une petite maison de négoce où tout se faisait dans leur domicile à Bédarrides : « Nos bureaux étaient installés dans la chambre d’amis et les dégustations se faisaient dans la cuisine ». Un peu à l’étroit quand même, ils louent par la suite des bureaux et un entrepôt à Beaumes-de-Venise. Et en 2013, ils franchissent une autre étape. Tout en restant négociant-éleveur, ils deviennent vignerons en achetant un domaine pour pouvoir enfin commercialiser quelques bouteilles de leur propre production. Leur choix se porte sur Chevallon, avec des vignes plantées au cœur du massif des Dentelles de Montmirail et des bureaux au centre du village, qui sera débaptisé pour devenir le domaine Château Cohola, acrostiche de Cor Hominis Laetificat, qui réunit aujourd’hui  sur 8 ha des vignes (pour plus de la moitié des surfaces), des oliviers, des cerisiers, des ruches et des truffiers… Un condensé de la Provence !

La nouvelle structure commercialise aujourd’hui entre 30 et 50 000 bouteilles par an pour la partie négoce (Côtes-du-Rhône, Gigondas, Vacqueyras et Châteauneuf-du-Pape) et 10 à 12 000 bouteilles bio pour les vins du domaine classés en Côtes-du-Rhône Villages Sablet. Pour les trois crus, le choix s’est porté sur une bouteille italienne au design particulier ; pour les vins du domaine, c’est la bouteille syndicale qui prime.

« Nous voulions devenir vignerons pour aller jusqu’au bout de nos idées,  être le plus naturel possible ». Avec une labellisation bio poussée à l’extrême car Jérôme suit le calendrier lunaire : « Nous nous inspirons la biodynamie même si nous ne sommes pas certifiés ». Pas de soufre rajouté à la cave et des traitements à base de plantes et des rajouts de bactéries dans les sols… Sans oublier la musique : « Depuis deux ans, nous faisons confiance à la génodique, cette science des génomes qui consiste entre autres à diffuser de la musique dans les vignes. Deux fois par jour, matin et soir pendant sept minutes. C’est assez mélodique ».

Sur les terrasses à flanc de coteaux que Jérôme a patiemment restaurées au fil des ans, les grenaches et les syrahs - qui représentent l’essentiel de l’encépagement - semblent apprécier.

EN COMMUNION OENOLOGIQUE AVEC LES MOINES CISTERCIENS, EN ISRAËL ET À MADAGASCAR

Le parcours de Cheli et Jérôme ne se limite pas à leur carrière pro­fessionnelle. Depuis longtemps, en parallèle, ils se sont engagés dans un projet oeno-humaniste auprès de communautés de moines cisterciens, ceux de l’abbaye de Latroun en Israël (où le premier vignoble fut planté en 1898) et ceux du monastère de Maromby à Madagascar. Qui ont en commun, outre leur foi chrétienne, de pratiquer la culture de la vigne.

Les voilà donc volontaires pour jouer le rôle d’oenologue-conseil dans cette aventure un peu particulière : « flying cistercian winemakers »

"En Israël, les vendanges étaient plus précoces que chez nous. Nous prenions nos vacances en août, ce qui nous permettait de commen­cer les vinifications sur place. Puis, de retour en France, le père abbé nous envoyait les analyses et nous donnions les instructions à distance…".

Schéma similaire à Madagascar, toujours avec une communauté de moines trappistes en manque de conseils oenologiques ! "C’était plus pratique pour nous, les vendanges ayant lieu là-bas en février".

Aujourd’hui, l’abbaye de Latroun est réputée pour son vin ; et le monastère de Maromby, où il a fallu replanter des cépages plus adaptés au climat, suit la même voie. Ils sont même en train de construire une nouvelle cave pour laquelle Cheli et Jérôme ont par­ticipé à l’achat des cuves et du matériel.

Mais avec le développement de Château Cohola, le couple a moins de temps : "En Israël, nous avons fait embaucher un jeune oeno­logue français et nous n’avons plus besoin de nous déplacer. Et à Madagascar, nous avons fait venir à la maison pendant un an un des moines qui a suivi des cours au Lycée viticole d’Orange ; et aujourd’hui, c’est lui notre relais sur place".

Jean Calabrese

Maison Rouge Wines – Château Cohola / 415 route de Carpentras à Sablet (84110)

Tel : 04 90 41 81 90 / www.cohola.fr