Interview de Philippe Dry - l'Union des Vignerons Ardechois

FEVRIER 2022


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Après avoir joué un rôle moteur et majeur dans la rénovation du vignoble dans les années 1980-1990, l’Union des Vignerons Ardéchois qui commercialise aujourd’hui 85 % des vins ardéchois, joue la carte de la biodiversité. Elle se met ainsi  au diapason d’un département plébiscité par les touristes français et étrangers pour son côté nature.

Dans le monde du vin, Union des Vignerons Ardéchois est un cas quasi-unique. Ce regroupement de caves coopératives (14), toutes en apport total, fonctionne selon un schéma simple : la vinification est élaborée par les caves selon les spécificités de chacune en matière d'encépagement et de terroir ; le service œnologie de l'Union définit le processus de vinification de chaque cuvée, se charge du stockage, procède à l’embouteillage et à la commercialisation. L’Union, qui achète le vin aux adhérents, joue donc le rôle de la maison mère de la structure coopérative.

Philippe Dry en est le directeur général depuis juillet 2015 au côté du président François Guigon. Il a succédé  à Denis Roume qui a fait quasiment 30 ans à ce poste. « Les Vignerons Ardéchois, c’est une structure assez pérenne, souligne-t-il, qui travaille dans la continuité. Je ne suis en fait que le 3ème directeur, Guy Boyer ayant été le premier ».  Ce Bourguignon d’origine, qui a bossé dans le marketing de l’agro-alimentaire jusqu’en 1992, est ensuite entré dans le monde du vin. D’abord dans une maison du Beaujolais appartenant au groupe Boisset, puis à Chablis avant de diriger la célèbre cave de Ribeauvillé en Alsace. Et enfin l’Ardèche qu’il connaissait et appréciait en tant que touriste.

Une mosaïque de cépages et de terroirs

D’Aubenas jusqu’au Gard et de la vallée du Rhône jusqu’aux Cévennes, voilà un territoire viticole de plus  de 6 000 ha qui se distingue par une grande diversité de terroirs et de cépages. « Il y a un potentiel énorme dans ce sud Ardèche où l’on retrouve presque la carte de France des grands vignobles » s’enthousiasme Philippe Dry. L’Ardèche, en effet, a depuis 50 ans quasiment replanté tous les grands cépages français. On y retrouve bien évidemment les cépages rhodaniens (viognier, syrah, grenache notamment) qui représentent le cœur de l’activité des Vignerons Ardéchois et sur lesquels on découvre des expressions du terroir intéressantes. Mais aussi des cépages bordelais (cabernet, merlot  voire sauvignon) et des cépages bourguignons (chardonnay et pinot noir sur plus de 500 hectares).

Pour expliquer cette myriade de cépages (plus d’une vingtaine), il faut remonter au premier partenariat signé en 1979 avec la Maison Latour en quête alors de sources d’approvisionnement pour ses vins blancs. Ce fut pour les vignerons une véritable prise de conscience de la qualité de leurs terroirs. Depuis, ce travail de fond en partenariat avec des maisons extérieures à la région s’est poursuivi avec entre autres Georges Dubœuf (Beaujolais) sur des gamays et  Michel Laroche (Chablis) sur des pinots noirs.

« Ces partenariats ont renforcé notre volonté de replanter des cépages nobles en adéquation avec nos terroirs.  Toujours en misant sur le qualitatif plutôt  que les rendements ». Qui ne dépassent que  très rarement les 50 hl / ha alors même que le territoire ardéchois est à 90 % une région d’IGP. « Mais nous travaillons vraiment l’Ardèche comme une appellation propice à des vins de qualité ».

Parmi lesquels on peut citer le Chatus Monnaie d’Or, du nom d’un cépage autochtone déjà mentionné par Olivier de Serres dans ses écrits au XVème siècle, qui a survécu au phylloxera et que l’on croyait disparu à jamais. Il est productif, coloré, très résistant et tardif, avec aussi pas mal d’acidité. Retrouvé un peu par hasard sur des terrasses de grès dans les Cévennes (il y a même sur le village de Vernon une vigne qui date de 1883), les vignerons l’ont bichonné et en ont replanté une cinquantaine d’ha. « C’est un cépage qui devient de plus en plus intéressant par rapport au réchauffement climatique, rajoute le directeur des Vignerons Ardéchois, et nous allons en replanter ».

Ardèche par nature : la biodiversité, une priorité

Lancée en 2016, la marque « Ardèche par nature » officialise le processus d’une démarche environnementale initiée par quelques vignerons à une époque où le bio était balbutiant et la norme HVE inexistante. Ce qui s’explique facilement selon Philippe Dry : « Nous avons toujours été sur un territoire et un environnement naturellement préservés avec une biodiversité extraordinaire. Et nous sommes attendus pour ça par nos clients ».

Progressivement, les vignerons et les caves sont donc entrés dans la démarche et l’Union des Vignerons Ardéchois s’est associée à divers organismes engagés dans la protection de la nature : installation de ruches, de nichoirs, création de haies… tout est bon pour maintenir la biodiversité ! Aujourd’hui, les deux tiers du vignoble sont labellisés HVE (soit plus de 4 000 ha). L’année prochaine, à quelques parcelles près, ce sera la totalité en incluant les quelque 500 ha déjà reconvertis en bio.

C’est dans cette philosophie que s’inscrit « Ardèche par nature », une marque déposée avec un cahier des charges spécifique qui, au-delà de la réduction des intrants et des traitements, inclue des éléments sur la gestion de la biodiversité. Une charte motivante pour les vignerons qui, avec les Vignerons Ardéchois, ont un filet de sécurité. Car ce genre de pratiques entraine des baisses de rendement et des risques plus importants et c’est la structure-mère qui les prend en charge. Ardèche par nature, totalement bio à partir du millésime 2022, est réservée aux circuits traditionnels. Une 2e marque, Ardèche par passion, issue des mêmes terroirs, est destinée à la Grande distribution.

Jean Calabrese

LA FORCE DE L’OENOTOURISME

En plus du siège social de Ruoms qui regroupe le centre de conditionnement, de stockage et d’expédition, les Vignerons Ardéchois ont créé en 2013 Néovinum, un espace de 1 500 m2 dévolus à la découverte de la vigne et du vin qui jouxte le  caveau de vente.

Ils disposent de deux autres sites d’accueil :

-          l’Aven d’Orgnac, une cave souterraine (- 50 mètres) dans laquelle sont élevées 15 000 bouteilles et où se déroulent de nombreuses opérations oeno-touristiques, des dégustations sous terre en particulier, qui mettent en valeur le potentiel de vieillissement de ces vins, des Coteaux du Vivarais principalement.

-          le domaine Terra Noé (25 ha) en conversion bio, qui est un peu le lieu d’expérimentation des nouvelles pratiques des vignerons. On y trouve aussi la structure d’accueil de la société « Ardèche Vignobles » créée en 2018 : une société participative à caractère coopératif qui regroupe plus de 800 sociétaires. L’argent collecté (plus de 2 millions d’€ à ce jour) a permis d’acheter 60 ha de vignes mis à disposition de jeunes vignerons qui s’installent.

REPERES

14 : le nombre de coopératives adhérentes à l’Union des Vignerons Ardéchois (ce qui représente environ un millier d’exploitations).

6 000 : la surface du vignoble en ha, dispersé en une multitude de parcelles.

300 000 : la production moyenne annuelle en hl (40 % rosé, 40 % rouge, 20 % blanc) dont près de 85 % en IGP, le reste se répartissant en Côtes du Rhône et Côtes du Rhône villages sur la cave de Bourg-Saint-Andéol (pour 15 000 hl environ 50 % bio) et en Coteaux du Vivarais pour 6 à 7 000 hl.

2 000 : le nombre de cavistes en France partenaires des Vignerons Ardéchois qui exportent par ailleurs 20 % de sa production dans 40 pays.

52 : le chiffre d’affaires en M €. Pour une production de 10 millions de cols et de 3,5 millions de Bag-in-Box® qui représentent les 2/3 du volume et 50 % de la valeur.

www.vignerons-ardechois.com