Interview de Olivier Ravoire - Maison Ravoire et fils

MARS 2018


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Basée originellement à Lauris, installée depuis 2013 à Châteauneuf-du-Pape, cette entreprise 100% familiale spécialisée dans le négoce, l’élevage et l’embouteillage de vins régionaux prend toujours plus d’ampleur à partir de sa nouvelle base logistique de Salon de Provence

Dans la famille Ravoire, je demande le père, Roger, 6e enfant d’une nombreuse fratrie dont les parents avaient de la propriété et des terres dans la région mais qui a décidé, faute d’opportunité dans le giron familial, de partir en solo tenter sa chance dans le monde du vin : formation en Bourgogne, premier stage à Rasteau et premier job au cellier de Marrenon où il officiera en tant que directeur pendant 14 ans. Avant de créer en 1987 sa propre maison de négoce, à Lauris. Encore dans la famille Ravoire, je demande la mère, Francine, cheville ouvrière de l’entreprise familiale, présidente de l’association « Les compagnons de Dionysos » à Pertuis, qui organise depuis une dizaine d’années le concours des vins de la région PACA. Et toujours dans la famille Ravoire, je demande le fils, Olivier, qui après des études  à l’école de commerce et de management NEOMA à Reims, intègre en 2004 la société.

Les personnages de cette saga familiale identifiés, reste à planter le décor : multiple lui aussi. Tout a donc commencé en 1987 à Lauris, charmant village du versant sud du Luberon. Charmant mais trop excentré. D’où la décision en 2013 de s’offrir une vitrine à Châteauneuf-du-Pape. Ravoire & Fils affirme alors sa présence dans la Vallée du Rhône et profite de la notoriété du cru rhodanien pour valoriser son image de marque. Avec un espace de réception, un caveau de dégustation, une boutique ainsi qu’une cave de vieillissement et de stockage, la Maison de négoce s’implante dans le paysage, illustrant au passage sa diversité. A l’origine uniquement spécialiste des vins de Provence, Ravoire & Fils se rapproche de plus en plus des vins rhodaniens qui représentent aujourd’hui 40 % de l’activité de l’opérateur. Elle travaille avec une trentaine de propriétés couvrant tout le couloir rhodanien, de l’AOP régionale Côtes du Rhône aux crus Châteauneuf-du-Pape, Gigondas, Vacqueyras, Rasteau, Cairanne, Crozes Hermitage, Côte Rôtie en passant par les villages communaux Laudun et Plan de Dieu.

Mais il manquait encore un outil industriel à l’entreprise. « A Lauris, nous finissions par pousser les murs.  C’était devenu intenable, souligne Olivier Ravoire. D’autant que nous avions dépassé un seuil en volumétrie qui nous obligeait à mettre le site aux normes ICPE. Une mise aux normes qui aurait couté plus cher que le bâtiment  lui-même. » D’où la décision de déménager. Mais où ? Après deux ans de recherches infructueuses entre Pertuis et Orange, les Ravoire se sont rabattus sur un site existant à Salon qu’il a fallu adapter. Un terrain de 3 ha avec 7 000 m2 de bâtiments.  « Nous n’avions pas de vision particulière sur Salon mais au final, nous sommes ravis. En termes de logistique, c’est top : nous sommes au carrefour de tous les grands axes et à 20 minutes de l’aéroport de Marseille. Parfait pour nos camions de livraison et nos clients. »

Lorsque Olivier Ravoire est arrivé dans l’entreprise en 2004, le chiffre d’affaires tournait autour des 5 M€ ; l’an dernier, il est passé à 15… et ce n’est pas fini. « Nous venons de reprendre début 2018 l’activité grande distribution de la société Sénéclauze qui a décidé de se recentrer sur ses propriétés [Marquis de Terme à Margaux, domaine du Val d’Arenc à Bandol et domaine de Lauzade en Côtes de Provence]. Nous récupérons tout le reste. Cela nous fera plus de boulot mais c’est assez excitant

En mettant la main sur les contrats fournisseurs, les contrats distributions et les marques de Sénéclauze qui distribue une cinquantaine de caves particulières, Ravoire & Fils vient de franchir un nouveau palier. Car cette activité complémentaire, uniquement basée sur de l’achat et de la vente de produits finis et qui ne viendra donc pas saturer l’outil de production, va générer un complément de chiffre d’affaires de 10 millions, pour un total prévisionnel de 25 M€. « C’est vrai, dans notre activité de négoce, nous changeons de catégorie. Mais nous sommes toujours une entreprise 100% familiale avec son esprit particulier et nous entendons bien le rester. »

Jean Calabrese

REPERES

Sarl Ravoire & Fils – 340 rue du Remoulaïre – 13330 Salon de Provence

Co-gérants : Roger Ravoire – Olivier Ravoire

Marques commerciales : Olivier Ravoire, Rhône To The Bone, Manon

CA : 15 M€ en 2017

www.ravoire-fils.com

 

NUNC EST BEBENDUM

Sur certaines étiquettes de la Maison Ravoire, on découvre un blason, celui de la famille originaire de Savoie. Un blason « adoucie » par rapport à la version originale du XVe siècle jugé un peu trop guerrière. A l’époque, on parlait de la famille La Ravoyre, installée du côté de Chambéry. « Ce blason, c’est l’histoire de la famille, que nous avons découverte il y a une quinzaine d’années à peine grâce à des parents éloignés qui ont fait d’énormes recherches pour reconstituer l’arbre généalogique des Ravoire. » Tout est retracé dans un fascicule de 60 pages dans lequel on apprend donc qu’après les grandes pestes en Provence, il a fallu repeupler la région ; et que les autorités ont fait venir des gens d’Italie et de Savoie… Et parmi eux, les Ravoire. Quant à la citation latine qui accompagne ce blason, Nunc est bebendum, elle n’a rien à voir avec l’original. C’est Olivier Ravoire lui-même, fan de BD, qui l’a dénichée dans un opuscule des aventures d’Astérix et d’Obélix. Elle signifie simplement « C’est maintenant qu’il faut boire ». Un petit clin d’œil perso pour dire simplement que le vin, c’est avant tout convivial.

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« RHONE TO THE BONE » UN COTES DU RHONE  A L’ASSAUT DES USA

Deux sites internet pour la même maison : ravoire-fils.com pour le côté institutionnel de la société ; et olivier-ravoire.fr  pour la marque dédiée à la seule Vallée du Rhône où se concentrent en grande partie les efforts de l’entreprise.  « Là, nous travaillons avec une bonne trentaine de vignerons avec lesquels nous avons noué des partenariats très étroits. Nous ne sommes pas sur de très gros volumes mais nous essayons de faire un boulot très poussé, que ce soit au niveau des sélections parcellaires, des vinifications ou des élevages. » Ce qui explique qu’Olivier Ravoire ait décidé d’inclure dans la boucle l’incontournable Philippe Cambie, œnologue-consultant  (« la référence de l’appellation ») qu’il sollicite 5 à 6 fois par an. « Il nous apporte beaucoup ; avoir des échanges avec lui sur des assemblages, c’est un plus car il a une exigence qu’on ne pourrait pas avoir seuls… Et il sait où trouver tels types de jus pour faire un super vin. »

Exemple avec le dernier-né des produits de la maison Ravoire : Rhône to The Bone (le Rhône jusqu’à l’os), uniquement destiné au marché anglo-saxon. Présenté à Vinexpo en 2016, il a vite été plébiscité par les acheteurs. « C’est la première fois que nous suscitons un tel engouement avec un nouveau produit. » Un produit qui est censé représenter le côtes-du-rhône type (65% grenache, 35% syrah pour le rouge), avec beaucoup de matière, d’onctuosité et de  texture. « Nous sommes sur un positionnement aux USA de 15 dollars environ ; nous avons commencé sur le millésime 2015 avec 150 000 bouteilles et nous espérons en faire 100 000 de plus pour le millésime 2016. Nous avons de véritables ambitions sur cette bouteille ». D’où un véritable travail non seulement sur le contenu, mais aussi sur le contenant. L’étiquette en particulier, très réfléchie. « En fait, Rhône to the Bone, c’est un véritable concept. » Qui aura sous peu son propre site internet. Et qui pourrait tirer les ventes aux USA, le premier marché à l’export pour la Maison Ravoire & Fils qui exporte dans une cinquantaine de pays. Les USA viennent d’ailleurs de détrôner la Chine qui a occupé cette place pendant de nombreuses années (la société a même ouvert un bureau à Shanghai). « Nous avons un objectif : faire passer notre chiffre d’affaires à l’export de 35 à 50%. Ce serait  un bon équilibre. »

Interview par Jean Calabrese pour le Vigneron - mars 2018